Chevaux Camargue et vaches Highland au marais Vernier
      D’une part celle initiée en Camargue par la station biologique de la Tour du Valat avec une manade « sauvage » de chevaux camarguais sur une réserve dédiée de 330 ha, et d’autre part, l’introduction sur le marais Vernier en Normandie des mêmes chevaux camarguais accompagnés d’un bovin spectaculaire aujourd’hui bien connu, la fameuses vache « Highland ». Cette dernière expérience est toujours menée aujourd’hui sur la Réserve Naturelle des courtils de Bouquelon.  
                 
        Par ailleurs, les premiers chevaux "konik" importés de Pologne en 1986 par le Conservatoire des Sites Lorrains  (aujourd'hui CEN Lorraine) sur le marais de Pagny sur Meuse ont été à l’origine de différents  programmes de « pâturage extensif » sur divers sites naturels en France. Ils ont également permis la mise en place du programme Les Tarpans du Bugey mené actuellement par ARTHEN dans l’Ain (voir Bugerbivore). Au-delà du Bugey, ces chevaux primitifs participent aujourd’hui à des programmes de  « pâturage naturel adapté au contexte français » sur quelques sites naturels, notamment dans l’Est du pays : marais de Pagny sur Meuse, Petite Camargue Alsacienne, réserve du Domaine à Pont à Mousson, … (voir Projet Tarpan). 
      Enfin la Réserve Naturelle de l’étang de Cousseau en Gironde développe sur plusieurs centaines d’ha un programme très proche du pâturage naturel avec la vache marine, un bovin qui vivait encore à  l’état sauvage, ou plutôt féral, jusqu’au milieu du 20ème siècle sur la zone littorale du Médoc et des Landes (voir vache marine).
Un concept encore peu connu et peu pratiqué en France
 
       Au-delà des réserves hollandaises, et souvent initiées par elles, les expériences de "pâturage naturel" se sont développées en Europe, particulièrement au nord du continent (Belgique, Allemagne, Royaume-Uni, Pays baltes, …). Bien que ne manquant pas d'espace, la France reste encore  largement à l'écart de ce courant compte tenu de l’emprise à  la fois territoriale et culturel du monde agricole et pastoral qui diffuse largement dans la société sa conception de la gestion des territoires, y compris lorsque ceux-ci sont caractérisés comme ayant une « vocation écologique » (espaces protégés ou classés Natura 2000). Les gestionnaires de ces espaces utilisent donc généralement des modes de gestion mécanisés (débroussaillement, fauche) ou relevant du pâturage temporaire et dirigé avec un bétail traditionnel. En règle générale, ce sont d’ailleurs les agriculteurs ou éleveurs qui sont appelés à gérer directement ces espaces.
       Cette gestion à  la fois interventionniste et « jardinatoire », si elle peut s’avérer justifiée dans le cas de milieux très spécifiques et fragiles (tourbières, pelouses à orchidée, …)  s’avère donc antinomique avec le "laisser faire la nature" prôné le pâturage naturel.
       Néanmoins, sans forcément en revendiquer l'appellation, une forme de pâturage naturel a été, ou est encore ponctuellement mise en pratique en France, au moins partiellement. A partir des années 80, deux expériences ont longtemps été la référence en la matière.
 
     
      La marge de développement du pâturage naturel en France est donc encore importante. Elle dépendra toutefois de l’évolution des gestionnaires et des partenaires institutionnels vis à vis du concept de libre évolution. Une action pédagogique sera également nécessaire en direction du public, trop souvent enclin à penser qu’un animal « domestique » doit être dirigé, nourri et soigné ! Quant à l’utilisation d’espèces sauvages, si elle pourrait résoudre cet aspect du problème, elle n’en reste pas moins complexe dans un cadre réglementaire contraignant, notamment en ce qui concerne les normes sanitaires.
Cerfs, « aurochs » et « tarpans », un guilde de grands herbivores à Oostvaardersplassen
       Les "refus" (1) ou autres "latrines" (2) sont conservées en l’état, profitant à nombre d'insectes et autres invertébrés. 
         Le pâturage naturel implique qu’aucune intervention « traditionnelle » ne soit pratiquée sur les animaux. Il s’agit en particulier des traitements contre les parasites externes et surtout internes (antihelminthiques) qui sont particulièrement toxiques pour la petite faune coprophage dont l’empoisonnement impacte une grande partie de la chaîne alimentaire. Les supplémentations alimentaires (affouragement) doivent être limitées aux circonstances exceptionnelles telles qu’un fort enneigement ou une sécheresse drastique pouvant affecter la survie des animaux. Seule, la mise à disposition de pierres à sel reste souhaitable.
 
 
        Le pâturage naturel nécessite cependant des surfaces suffisamment importantes afin que les animaux puissent se répartir sur les différents secteurs en fonction des saisons et des facteurs limitants (inondations, …), évitant ainsi une surexploitation du milieu et les risques d’infestation parasitaire. Au-delà de la surface, une bonne diversité des essences végétale est également souhaitable, en particulier pour ce qui est de la strate arbustive ou arborée dans la mesure où celle-ci peut recéler des substances (tanins, alcaloïdes, …) qui peuvent être utilisée par les animaux pour s’auto déparasiter.
 
        Mais si l’absence d’intervention est relativement facile à appliquer pour les cervidés, et aussi pour les équins, elle est plus difficile à respecter pour les bovins, qu’ils soient domestiques ou sauvages (bison), étant données les réglementations sanitaires qui prévalent en Europe concernant ces animaux pouvant être vecteurs de maladies très surveillées par les autorités (brucellose, tuberculose bovine, …).  Sur certaines grandes réserves des Pays Bas, des dérogations sanitaires ont pu être obtenues lorsque les animaux totalement ensauvagés évoluent sur de grandes superficies. Dans ce type de contexte, les cadavres peuvent également être laissés sur place au profit d’un cortège de nécrophages dont certains représentants, en particulier chez les invertébrés, ont été décimés par les pratiques « hygiénistes » modernes qui prévalent dans le monde de l’élevage [en savoir plus].
       Néanmoins, dans le cadre d’une réserve clôturée où les grands prédateurs sont absents, une intervention reste nécessaire : le contrôle démographique des troupeaux. Mais dans le cas de la grande réserve d’Oostvaardersplassen, le choix du gestionnaire a été de ne pas intervenir également sur ce plan. L’autorégulation des grands troupeaux présents a longtemps reposé sur la disette entrainant la mort des animaux les plus faibles en fin d’hiver. Ce « laisser faire » a finalement été abandonné suite aux réactions des défenseurs des animaux (voir Oostvaardersplassen).  
 
(1)Touffes de végétation herbacée non consommée par les bovins
(2)Zones de prairie où les chevaux déposent leurs crottins et dont la végétation n’est pas consommée pour éviter l’infestation parasitaire
Tarpans consommant des rameaux de saule cendré en hiver – Bugey (Ain)
       Bien qu’il n’y ait pas véritablement de superficie minimale requise, plus celle-ci est importante et plus l’expérience tend vers l’instauration d’une véritable fonctionnalité écosystémique. Dans le cadre de réserves clôturées et isolées au sein d’un environnement anthropisé cette fonctionnalité restera toutefois partielle en l’absence de régulation par les grands prédateurs.
 
        Le type de milieu est également un paramètre déterminant. Si les principales références en matière de pâturage naturel concernent les zones humides et assimilées, les milieux à caractère steppique sont également concernés ainsi que les friches plus ou moins embroussaillées et boisées. A cet égard, les réserves présentant une bonne diversité de milieux sont évidemment les plus intéressantes, notamment lorsqu’elles intègrent des secteurs à caractère forestier.
 
Non intervention
       A l’inverse du pâturage dirigé, le pâturage naturel implique que les animaux soient laissés libres de leurs mouvements tout au long de l’année sur l’ensemble du territoire mis à  leur disposition et qu'ils puissent exprimer naturellement leurs comportements sociaux et alimentaires. La végétation ligneuse est particulièrement consommée durant les périodes où la végétation herbacée est la moins appétente et la moins développée.
Les grands herbivores favorisent une large biodiversité (poster édité par l’ONG hollandaise ARK Nature)
        Au-delà des deux principaux « mangeurs d’herbes » (paisseurs  ou grazers en anglais) que  sont les bovins et les équins, et notamment les substituts de l’espèce sauvage éteinte («aurochs reconstitué» et tarpan) pour lesquelles on peut parler d’un processus de dé-domestication, d’autres espèces ont été par la suite utilisées afin d’élargir le spectre d’intervention sur la végétation. Il s’agit des cervidés (cerf élaphe et daim), mangeurs de feuilles (brouteurs ou browsers en anglais), et même du bison d’Europe au régime intermédiaire. L’introduction de ces derniers a évidemment nécessité une prise en compte de leur statut «sauvage». L’association de ces différentes espèces constitue une «guilde» reconstituant la situation qui prévalait dans la nature avant les bouleversements provoqués par l’homme. 
       Cette notion de guilde est importante dans le cadre du pâturage naturel car ses différentes composantes (bovinés, équidés, cervidés) ont un impact différencié sur la végétation, tant herbacée qu’arborée, et contribuent à la richesse biologique des milieux. Au-delà de leur rôle d’ingénieur du paysage, les grands herbivores génèrent une biodiversité, trop souvent négligée, qui profite de leurs fèces, de leurs poils, de leurs cadavres ou encore des micro dépressions créées par leurs sabots. Cette biodiversité concerne un large cortège allant des champignons fimicoles aux diptères
Herbivores et Champignons fimicoles (studylibfr.com)
        Faisant référence aux processus naturels liés à l’herbivorie et en particulier au rôle prépondérant des grands et des méga-herbivores en tant qu'  espèces "clef de voûte"  des écosystèmes où les milieux ouverts conservent une place significative, le concept du "pâturage naturel" a été mis en pratique à partir des années 80.
 
         Dans sa phase initiale, elle impliquait l’utilisation de races rustiques ou archaïques en tant que substituts des espèces de grands herbivores disparues (cheval sauvage et aurochs) pour conserver, dans des conditions aussi naturelles que possible, l’ouverture de différents milieux soumis au processus de fermeture (embroussaillement puis boisement) en l’absence de pâturage.  En France, les travaux de Thierry Lecomte restent la référence en la matière avec l’expérience du marais Vernier en Normandie. Mais c'est aux Pays-Bas que le concept a connu un développement important sous l'influence de quelques pionniers (G. Poortinga, F. Vera) et sous la conduite d’ONG référentes (ex : Ark Nature, Free Nature ou encore Naturmonumenten), mais aussi d'organismes publics (ex : Staatsbosbeheer).
Pâturage naturel et fonctionnalité des écosystèmes
Bisons dans la réserve de Kraansvlak (Parc national Zuid-Kennemerland) aux Pays Bas
Le pâturage naturelAvec quelles espèces?Des espèces "clef de voûte"Oostvaardersplassen 
Association pour le Retour des grands Herbivores dans les Espaces Naturels
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Mise à jour Avril 2022
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